En lisant le rapport émis par l’Observatoire de la Musique, on s’aperçoit que les CD de musique classique s’achètent à Noël!
L’Observatoire nous révèle aussi que la musique classique n’est représentée en moyenne qu’à 43% sur les plates-formes de téléchargement! Le SNEP annonçait le 3 mai dernier, que le chiffre d’affaire des ventes en gros de CD a baissé de 12% au premier trimestre 2006. A l’inverse, le secteur de la musique classique aurait progressé de +24% !! [Serait-ce l’effet «Coffret Mozart»?]
Résumons : la musique classique est peu présente sur les plates-formes de téléchargement, les ventes de CD augmentent vs. les autres catégories de musique, mais c’est un marché soumis à une forte saisonnalité! On se trouve ici en présence de spécificités qui m’intriguent… menons l’enquête auprès de professionnels…
La musique classique peut-elle passer à la distribution digitale?
La musique classique représente environ 5% des ventes en France, 2% aux Etats-Unis, 10% en Corée, 8% en Allemagne et 3% en Grande-Bretagne, selon les données les plus récentes des maisons de disques. Les dirigeants de l'industrie du disque disent que plus de 10% des ventes de musique classique se font en ligne (source Reuters).
Depuis quelques semaines, les communiqués de presse s’enchaînent à propos de la mise à disposition de musique classique sur le net.
Le 26/03, c’est Universal Music qui ouvrait le bal en proposant le téléchargement de concerts d'orchestres philharmoniques via deux labels (Deutsche Grammophon et Decca Music). En moyenne 4 concerts par an seront proposés en téléchargement (l'Orchestre philharmonique de New York et celui de Los Angeles). Universal envisage d'étendre rapidement l’initiative aux orchestres européens les plus prestigieux.
"Le téléchargement est le canal pertinent pour diffuser de la musique au 21e siècle" a déclaré le Finlandais Esa-Pekka Salonen, qui dirige l'Orchestre philharmonique de Los Angeles. "C'est l'opportunité pour les amateurs de musique classique de découvrir, de connaître et d'apprécier la musique grâce aux dernières technologies". Le prix? Entre 6,60 et 8,30 euros sur iTunes, Rhapsody et Napster. Mais certains auraient préféré que le téléchargement de ces concerts soit gratuit pour inciter les auditeurs à assister à des concerts et éventuellement rajeunir l'audience… (Ha! Rajeunir l’audience… nous y reviendront!) Pour exemple, les enregistrements des 9 symphonies de Beethoven interprétées l'été dernier par l'Orchestre philharmonique de la BBC ont été téléchargés 1,5 millions de fois. L'opération, en partenariat avec Radio 3, était gratuite…
Le 11/04, c’est Warner Classics qui lançait sa plate-forme de téléchargement en direct. Le site propose 300 albums à télécharger, et «chaque semaine, des douzaines de nouveaux albums seront mis en ligne».
Un album «full price» pourra être téléchargé pour 8£ (11.50€), un album «budget» pour 3£ (4.30€). On pourra également acheter des pistes séparément à 0.80£ (1.15 €) jusqu’à 10 minutes, 1£ (1.43€) jusqu’à 15 minutes et 1.20£ (1.73€) jusqu’à 25 minutes. [Et! oui, même si iTunes a rappelé sa volonté de maintenir le prix unique à 99c, les distributeurs de musique classique ne l’entendent pas de cette oreille… au risque d’embrouiller le consommateur avec une tarification plutôt compliquée! Mais combien vaut un opéra de plusieurs heures?]
Du côté des indépendants, Integral Classic Distribution a ouvert son site de distribution de CD en ligne hier et Abeille Musique m’a confié que son site allait se renouveler et ouvrir les téléchargements avant fin août 2006…
Pourquoi ce marché est-il si particulier?
1- Le conseil
Il existe de nombreux interprètes pour une même œuvre… Faites l’essai vous-même avec Mozart sur iTunes… plus de 551 albums sont proposés !
A l’époque, on allait chez un disquaire et on demandait au vendeur de nous aider à choisir entre une valeur sûre (type Karajan) et une nouvelle interprétation. Mais aujourd’hui, les disquaires indépendants sont morts et la FNAC a revu sa politique de distribution à la baisse… «Un disque qui n’est pas vendu en 3 mois n’est plus référencé par la FNAC, est retourné au distributeur et de fait devient quasiment introuvable» me confie Flavien Pierson d’Integral Distribution. «Vendre un CD à 3000 exemplaires est considéré comme un excellent score, nous avons donc besoin de proposer de nombreux catalogues. En plus de se recentrer sur des activités à plus forte marge, les dirigeants de la FNAC ont préféré engager de jeunes vendeurs, moins chers, mais qui n’y connaissent rien!» Exit le conseil du vendeur! Comment choisir? Avec 45 secondes d’extrait…?
Utiliser les forums ? C’est une idée utilisée par Abeille Musique.
Pour les plus nuls, vous pouvez toujours aller sur Amazon et acheter ça pour 22 euros, 439 pages…
ou l’Encyclopedia of Classical Music pour 16 euros, 928 pages… puisque Naxos s’est associé avec la National Public Radio pour offrir un guide musical online. Les acheteurs de l’Encyclopedia sortie en avril, auront accès en parallèle à 500 streams de musiques classiques qui complètent l’encyclopédie. Une façon de guider les amateurs vers le digital?
2- Une cible qui ne rajeunit pas?
Tout le problème de la musique classique c’est qu’elle continue d’être associée à une image démodée… Il paraît que les amateurs de cette musique sont des vieux... Je n’ai pas trouvé de statistiques précises sur le sujet ;-)
Plusieurs solutions pour être «éduqué» à la musique classique: pratiquer un instrument de musique (25% de français selon le magazine Artistes Pluriels), avoir des parents qui écoutent de la musique classique, faire partie d’une chorale, être initié à l’école ou encore aller à Musicora, le salon de la musique classique? Laurent Petitgirard s’insurge «Musicora c’est poussiéreux! Il n’y a pas de dimension festive, on a l’impression d’être chez les morts!» Il ajoute, «pour rajeunir la cible il faut aussi que la musique classique trouve sa place à la TV qui permet de découvrir les décors, les musiciens, de voir peut être même plus de détail qu’en concert. Et puis au-delà de l’éducation, avec toutes les grandes interprétations de référence existantes, il est difficile de passionner les mélomanes pour une nouvelle interprétation de la 9ème de Beethoven. Il faut que la musique contemporaine trouve sa place, c’est ça le futur!»
3- Un marché voué à la mort?
En décembre 2003, Louis Bricard remettait au ministre de la culture un rapport «Vingt préconisations pour la survie des disques de musique classique».
Le titre nous laissait croire à l’époque que la musique classique allait disparaître, ou pourrait être sauvée grâce à une volonté forte de l’Etat de mettre en place des subventions et des aides. «Quand j’ai lancé mon activité de distribution en 97’, la situation était déjà dure mais je ne me sentais pas une victime. Je n’avais pas envie d’aller voir le Ministère pour être aidé à mourir le plus longtemps possible» déclare Yves Riesel, éditeur du coffret Mozart et Directeur d’Abeille Musique. «Il faut avant tout, une bonne matière première, travailler les répertoires et l’édition.» Abeille Musique génère aujourd’hui près de 350Keuros de CA par mois sur internet, emploie 27 personnes qui ont en moyenne une trentaine d’années. Des jeunes! «Les interprètes changent autant que pour la pop, les carrières artistiques évoluent. C’est un marché de niche mais les clients sont fidèles et ils veulent de la qualité!»
4- La qualité… parlons-en!
On dit souvent que les auditeurs de musique classique sont plus exigeants que les autres sur la qualité sonore des œuvres… Bon, il faudra prévoir des qualités d’encodage supérieures pour la vente de musique en ligne…
Naxos propose d’écouter plus de 60 chaînes musicales en ligne, dont des radios de musique classique en encodage type CD… à découvrir!
Laurent PetitGirard me confie «les auditeurs de musique classique ont besoin d’être chouchoutés, c’est un public classieux. 50% d’entre eux n’écoutent que de la musique classique. Il faudrait se démarquer du monde de la chanson et créer un magasin «univers». Je rêve d’un magasin virtuel en 3D, où Mozart viendrait me parler, un univers comme une bibliothèque où je pourrais saisir des œuvres pour les écouter, avec du texte et les paroles des opéras… Moi je rêve d’un magasin qui serait le plus beau des jeux vidéo!»
Quelle sera la première plate-forme à offrir une telle expérience? Et surtout, dans combien de temps?
Merci à Yvez Riesel Directeur d’Abeille Musique, Flavien Pierson PDG d’Integral Classic et Laurent Petitgirard, compositeur et chef d’orchestre.
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